Monday, November 26, 2007

Dirge


Mes ailes se déploient au-dessus de la foule des pèlerins. Le chant, leur clameur, leur coeur à l'unisson uni par une seule voix et un seul désir. Ils marchent tous vers le puits et franchissent la barrière pour y sauter sans jamais se retourner tout au long de leur chute. Je le suis lentement vers cette destinée et je peux voir le regard de quelqu'un croiser le mien quelques instants. Pas un seul regret ne les habites. Seul un sourire est graver sur leur visage. Comme un rictus que l'on aurait dessiner au couteau. La clameur continue et résonne sur les murs du puits. Le granite transforme la langue dans une vaste mélopée inhumaine qui fait corps avec la nature. L'unité est atteinte grâce à la reverbération du son. Les cordes vocales claquent a l'arrivée contre le tas de cadavre qui s'est amoncelé au-dessous de la fin du puit. Les premiers ont été les premiers à rejoindre leur Dieu. Ainsi soit il.
Un par un, les survivants se relèvent et ne perdent pas de temps à rechercher un parent parmi les bras qui dépassent de l'empilement de chair.
"Es tu de ceux que je retrouverais parmi les élu, mon amour ?"
Tant de questions qui ne trouvent aucune voix pour les formuler et s'évanouissent avec le regard des défunts.
Uni dans la mort. Uni par le même sourire.
La procession continue et je ne lâche pas non plus d'une semelle la troupe. Les pieds trainent mais, le coeur est toujours là. Le grand ouvrage doit être accompli. La possibilité d'une erreur ne semble apparaître à l'esprit de personne car, aucun ne fera demi tour pour tenter de revenir à son existence passée. Ils continuent tous à marcher dans ce tunnel sombre ou seul quelques pierres produisent une faible lueur. Les parois semblent avoir été gravé par l'homme mais rien ici ne rappelle la civilisation que j'ai pu observer.
Il me semble bien irréel le temps où je battais des ailes par-dessus les villes et que je respirais difficilement la pollution des usines. Il me semble bien doux aujourd'hui ce passé. Une époque à laquelle je pouvais encore distinguer un homme d'un autre.
Ici tout est perdu. Le chant se transforme maintenant en hurlement profond et guttural. La marche régulière devient plus hésistante et, un à un les plus faibles s'effondrent.
Jamais ils ne connaitront la destination finale qui m'attend en compagnie de l'élu que je vois marcher avec un sourire toujours plus rayonnant.
Il suit la source de lumière qui se dessine à l'horizon. Plus que quelque pas . Peut être plus qu'une centaine. Peut être encore des kilomètre. Rien n'atteindra sa conviction.
Derrière lui, tous les autres meurt et s'éffondrent, en poussant un dernier gémissement. Un râle incompréhensible censé donner du courage à celui qui a été choisi. Il n'en a que faire. Il est le seul, il est choisi, il continuera sa route même si on égorgeait tous ses compagnons devant ses yeux.
Mes yeux faiblissent et je ne sais trop ce que je crois apercevoir. Je n'ai aucune conviction en moi, seul la curiosité morbide de savoir ce que le dernier rescapé du groupe m'habite. Peut être est cela qui le guide aussi dans cette caverne ? Ou est la lueur que j'aperçois maintenant de plus en plus près ?
Un mot m'apparaît, alors à l'esprit en se moquant de mon appareil auditif. Seul l'esprit compte en ce lieu et même le faible corps que j'habite reconnait le sens de cet ordre.
"Viens".
Mes sens affaibli par ce voyage je revenais plusieurs heures après enfin à la surface. Le mot ne m'avait pas affecté comme mon dernier compagnon et j'avais pu rebrousser chemin. Peut être que celui qui l'avait prononcé n'avait pas besoin de moi ou peut être ne pouvais je être affecté par son ordre ? Toujours est-il qu'après cette descente en enfer je ne pourrais détacher de mes yeux cette vision grotesque et si futile de cet homme qui, arrivé à sa destination, s'embrasa contre la surface rougeoyante d'un être que je ne pourrais définir moi-même.
Rouge et lumineux, il dégageait une chaleur mortel et une aura malveillante. Mais, seul et paisible il ouvrait les bras vers cet élu que la destinée avait choisi et l'accueillait avec un sourire identique au sien. Immortel et grotesque. Une vision d'horreur paisible qui convenait très bien à ce monde que plus aucun homme n'habitait et que nous, les animaux, allions reconquérir enfin.

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