Sunday, March 14, 2010

Far - Water & solutions (Immortal/Epic) 1998


Nous sommes en 2010 et j'ai commencé à me passionner pour la musique en 1998, année de sortie de ce disque. Cela fait donc exactement que j'évite soigneusement cet album. Je sais d'où vient le groupe (Sacramento, fameuse ville des Deftones). Je sais qu'ils sont amis avec mes deux groupes favoris de cette ville, les Deftones et Will Haven, qui portent ce disque dans leur coeur. Pourquoi n'ai je alors pas pris le temps de tendre une oreille, même distraite, à ce que contenait cet album? Peut-être est ce la signature sur Immortal, label de Korn et d'Incubus à leurs débuts, et que je pensais avoir atteint mon quota de groupes néo metal (après avoir écouté bon nombre de merde, de sous merde et de sous sous merde dans le genre)

Far n'a pourtant rien d'un groupe de néo metal. Leurs influences principales sont évidemment Quicksand et Failure dont ils tirent cette passion pour la mélodie fragile sur lit de guitares à la fois légères et saturés. Water & Solution préfigure l'émo dans tout ce qu'il a de sensible et de poignant. Jonah Matranga pose d'une voix souple et tendre des textes à la fois mature et adolescent. Des souvenirs d'un été californien, morose et ensoleillé tout à la fois. Water & solution glisse et joue des remous pour marquer l'auditeur de manière indélébile. Une écoute suffit pour que les guitares saturés et la touche de violon remixé se scotch dans votre tête. Le reste de l'album fera de même. Pas d'autres issus possibles. Water & Solutions rend simple la conception de chansons imparables.

De nombreux détails en font aussi bien plus qu'une collection d'accidents heureux. La production savante de Dave Sardy contribue largement en aérant chaque instruments. Les frappes de batterie entrecoupe alors les respirations de la guitare de Jonah Matranga qui a, lui aussi, l'oreille et le touché parfait pour les mélodies légères pour une symbiose constante entre tout les musiciens. Chaque titre se veut aussi bien différent et aucun ne souffre donc qu'une comparaison ou d'un manque de souffle. Les titres composés s'efface les uns après les autres avec modestie, sans s'attarder de trop, pour que chacun ait sa place sous le soleil.

Le sommet aura été atteint sur douze morceaux et le groupe de se séparer ensuite pour des carrières solos. Les voilà revenu en 2010 pour un nouveau disque qui ne devra pas faire la maladresse d'entacher ce petit moment de perfection. Douze ans pour le découvrir et pas une ride. Un album très adolescent dont on pourrait pas avoir honte après tant d'années. Un disque que je ne regrette de ne pas avoir sous la main pendant tout ces étés fatiguant, brillant d'une douce tristesse amoureuse, mais qui me fait rattraper le temps en évoquant autant les années passés que le future. Immortel. Le label ne l'aura pas été mais ce disque l'est.

Atari Teenage Riot - 60 second wipe out (DHR Recording)


Annoncé cette semaine au festival de Dour, la reformation d'Atari Teenage Riot surprend puisque le groupe était mort et enterré pour tout le monde depuis le décès par overdose de l'un de ses membres, MC Clark Crack (on ne s'attardera pas sur l'ironie de la situation). Restait donc Alec Empire, occupé par sa carrière solo, Hanin Elias, occupé par sa vie de famille et Nic Endo, toujours au-côté de Empire, derrière les machines, mais ceux-ci avait juré leurs grands dieux de ne pas faire revenir sur le devant de la scène le monstre qu'était Atari Teenage Riot. Preuve qu'il ne faut jamais dire jamais. Mais en quoi est-ce une bonne nouvelle?

Née des influences punk et de l'immersion dans la culture transe et techno hardcore allemande, Atari Teenage Riot a toujours eu pour objectif de produire un chaos musical capable d'attirer l'attention des gens sur leurs opinions politiques. Leur premier single marquait déjà le pas en s'intitulant "Hunt down the nazis" dans le but de marquer leur opposition aux mouvements d'extrême droite qui prenait alors une place trop importante dans la scène techno allemande. Ils continuèrent ensuite de produire des disques aux paroles toujours aussi évocatrices ("Deutschland has gotta die!" ou "The future of war") mais sans aucune volonté de provoquer inutilement. Contrairement à bons nombres de groupes d'adolescents dont le port d'un tee-shirt invoquant Che Guevara n'est qu'un prétexte pour faire hurler les parents, Atari Teenage Riot a toujours agis en suivant un code de conduite stricte.

Autant influencé que par le punk des Sex Pistols que la techno hardcore et la drum and bass, Atari Teenage Riot se place dans la même lignée que Pitchshifter ou les Mad Capsule Markets en mariant l'intensité de la musique électronique à des textes anarchistes et un jeu de voix emprunté aux Beastie Boys. Il n'est donc pas surprenant que durant leur carrières ils aient partagés la scène avec eux, ait été distribué par leur label, Grand Royal, et ouvert pour le Wu-Tang Clan et Nine Inch Nails. Sur 60 seconds wipeout, le dernier disque qu'ils aient produits ensemble (jusqu'à leur retour aujourd'hui avec un nouveau MC) , leur son se fait plus rock et moins électronique en présentant toujours les marques de la culture transe qui animent le spectre punk des guitares.

Tout est démembré chez ATR pour que rien ne soit reconnaissable derrière la barrière de distorsion où s'affrontent les voix et les battements. Les paroles hurlés sont scandés par chacun comme des slogans politiques et des incitations à la révolte et à la danse. A se demander comment pouvait être retranscrite en studio cette énergie live décuplés sur scène? Agissant comme un collectif, les morceaux sont écrits par différentes personnes et en compagnie de différents intervenants allant d'un membre du groupe de rap The Arsonists à Dino Cazares, artistant du cyber metal au sein de Fear Factory. Pas de têtes pensantes. Nic Endo, Alec Empire et Hanin Elias collaborent ensemble avec comme seul absent notable MC Carl Crack dont la participation se limite à ses textes.

Alors, bonne nouvelle? A savoir maintenant si l'intensité des prestations d'Atari Teenage Riot et l'engagement de ceux-ci sera encore d'actualité pour rendre au quatuor allemand sa superbe et ne pas entacher la réputation d'indépendance et d'intégrité qu'ils ont construit jusqu'à alors. Pour avoir influencé l'un des meilleurs groupe de fusion japonaise, The Mad Capulse Markets, et avoir participé à l'émergence du breakcore, Atari Teenage Riot a déjà acquis une place dans l'histoire de la musique contemporaine. L'un des meilleurs alternatifs à l'alternatif. Onze ans après sa publication, 60 second wipe out continue de résonner comme un signal d'alarme et un cri de révolte mature et intense qui n'a absolument rien de nostalgique. Gageons que leur retour ne l'est pas non plus et qu'ils auront beaucoup à dire ensemble.

Sunday, March 07, 2010

Isis - Celestial (HydraHead) 2000


Au plus récent concert d'Isis à la Maroquinerie, après un set monstrueux retraçant la majeur partie de leur discographie, le groupe revint faire un morceau d'Oceanic et un autre de Celestial. Introduit par un "This is for old friends" de Aaron Turner, le riff massif de la chanson éponyme fit onduler les têtes de toute l'assemblée. A croire que tout les vieux amis sont encore dans le public et se souviennent bien de la fournaise qu'était Isis avant que les braises ne rayonnent de lumière apaisantes sur "Panopticon" et "Wavering radiant".

Auteur à l'époque d'un album et d'un EP plus sludge que post quelque chose, The Red sea et Mosquito control, Isis maitrise de plus en plus leurs influences principales, Godflesh et Neurosis, pour concevoir une forme de sludge foncièrement différente. Les textures post industriel de Godflesh rejoignent les rythme tribaux de Neurosis dans des vagues de guitares écrasantes où la voix n'intervient que comme une lointaine plainte ou de puissant cri déchiré que l'on perçoit à travers la montagne de distorsion que produit les instruments. Les paroles sont imperceptibles bien qu'un concept pointe au loin dans les interludes ambiant où les touches d'un clavier résonnent avec l'éclat des gouttes d'eau avant que ne reprennent la transe brulante de ces riffs rougeoyant que l'on qualifiera de post hardcore, faute de mieux.

D'ailleurs pourquoi post hardcore? Post par analogie avec le post rock de Godspeed you, Black Emperor! et Mogwaï aux compositions aérienne largement instrumentale et hardcore à cause des racines des musiciens dans la scène hardcore. En réalité, celles sont bien minces et le terme a surtout été imposé au groupe à cause de leur lien avec Neurosis (le EP Sign05 est sorti sur leur label, Neurot Recording) dont les racines viennent effectivement du hardcore (du moins, pour ce qui est des albums Pain of mind et The world as law). L'étiquette post metal est maintenant employé et convient juste un peu mieux pour les décrire. Celestial est surtout le produit d'une prise de conscience par des musiciens qu'ils étaient insatisfait de ce qu'ils entendaient autour d'eux et qui ont par conséquent pris sur eux de composer un univers musical qui leur convenait.

Lourd mais aussi léger par moment, sombre et mélancolique tout en rageur et désespéré, Celestial est aussi un disque dont la conscience artistique est très forte. Cohérent dans son ensemble, les marques d'un concept sont donnés. Les titres des morceaux et la pochette sont laissés à l'interprétation (une jeune femme plongé dans l'eau, un corps abandonné au fond marin ou une simple plongée sous marines pour découvrir de nouveaux paysages?). L'identité visuel d'Isis est aussi très forte du fait des talents de Aaron Turner en tant que graphiste (le design des albums paru chez HydraHead et ceux d'Isis sont pour la plupart de ses oeuvres). Ni metal, ni hardcore, Celestial ne souffre d'aucune étiquette et montrera le chemin pour des groupes à travers le monde jusqu'à devenir la figure de proue d'une esthétique et d'un genre mal dégrossi allant de Cult of Luna à AmenRa en passant par Tombs et Year of no Light. Celestial est aujourd'hui le gospel par lequel des centaines de groupes s'expriment tandis qu'Isis a continuer ses routes loin de ses sentiers qu'ils ont eux-même battus pour en créer de nouveaux.

Cave In - Until your heart stops (HydraHead) 1998


Je m'en souviens comme c'était hier. J'allumais la télévision pour me détendre et en zappant sur France 2 je tombais par hasard sur un petit segment présentant un groupe. Cave In était à la une et la voix off fit résonner ses quelque mots dans l'espace temporel de la télévision française : "d'abord un groupe de hardcore chaotique ...". C'était fini. Les mots "hardcore chaotique" avait été prononcé pour la première, et surement la dernière fois, sur une chaine public. L'album présenté était alors Antenna, le seul disque paru chez la major RCA / BMG avant qu'ils ne retournent sur le label indépendant HydraHead (fondé et géré par Aaron Turner de Isis) où le reste de leur discographie est paru.

Aujourd'hui le cul entre deux chaises, le rock progressif et aérien et des racines hardcore chaotique, Cave In a commencé sa progression vers de nouveaux territoires sur un disque devenu maintenant mythique, Until your heart stops. Avant cela, Beyond hypothermia collectait les différents morceaux enregistrés avec différents hurleurs, tandis que le guitariste / chanteur, Stephen Brodsky entrecoupait de mélodies très Radiohead les riffs metal incisif qu'il tissait avec des autres compagnons en compagnie d'une section rythmique qui ferait envie à beaucoup de groupe en la personne de John Robert Conners et Caleb Scolfield (Zozobra, Old Man Gloom). N'est pas Cave In qui veut. Curieusement cohérent et constitué de titres tous plus diablement puissant que les autres, Beyond hypothermia montrait que le groupe possédait déjà plusieurs facettes mais surement pas autant qu'ils n'en montreront par la suite.

Until your heart stops est d'une part beaucoup plus metal que son prédécesseur. Voisin de pallier de The Dillinger Escape Plan et Converge à leurs débuts, Cave In déménage vers plus d'expérimentation, plus de mélodies et ajoute même des interludes noise. Le riff d'ouverture de "Juggernaut" partage encore quelque meubles avec "The Saddest day" de Converge tout en y ajoutant un chant clair extrêmement maitrisé et des influences rock et folk que Stephen Brodsky étalera par la suite beaucoup plus sur les albums suivants du groupe ainsi que dans ses différents side project (Stephen Brodsky, Octave Museum, Stove Bredsky). Celui-ci doit pourtant aussi assuré les hurlements d'un chanteur parti avant l'enregistrement du dit disque. Ce départ le forcera a hurler à plein poumon pendant les tournées suivantes et le convaincront de ne s'adonner qu'au chant clair et d'abandonner leurs influences plus metal et hardcore, du moins pour quelque temps.

Décrit par le magazine Kerrang! comme un compromis entre Slayer et Radiohead. Until your heart stops n'est pas la réalisation d'une équation maladroite mais d'un mariage assumé entre l'énergie et la mélodie sous la bannière de l'intensité. Un Rubix cube d'influence que l'on aura beau tourner dans tout les sens sans arriver à ce qu'une couleur domine sur aucune des facettes. Comme tout les grands disques, celui-ci est un tout cohérent dont un tour d'horizon complet du début à la fin est nécessaire pour pouvoir dessiner le portrait complet dressé par ces quatre musiciens dont la carrière continue encore de produire de nouveaux morceaux. La puissance de Until your heart stops ne sera jamais atteinte de nouveau, du moins jusqu'à présent, mais le groupe s'en fiche car leur musique à ensuite explorer bien d'autres territoires que ceux déjà imposant de cet album composé en 1998. Un classique incontournable.