Wednesday, February 24, 2010

Qu'est ce que le rap back pack?


A mon entrée en fac j'ai eu la chance de rencontrer mon alter ego de l'époque, un passionné de rap pour qui la musique était tout aussi importante qu'elle l'était pour moi. Un fouineur du net à la recherche du dernier album, du dernier disque. Il arpentait les réseaux peer to peer avec la même passion que je mettais à plonger la tête dans les bacs des disquaires à déchiffrer les typo des groupes de black metal et de power metal. Apprendre a reconnaitre un genre musical à la couverture m'a ensuite énormément aidé pour me repérer dans mes découvertes musicales au détour d'un bac à solde. Je lui dois toute ma culture rap et électronique. Il m'a introduit aux MC dont le flow me passionne encore aujourd'hui et a toujours un nouvel artiste incroyable a faire découvrir quand on le croise. Même si on le voit tout les jours!

Sorti du lycée mais déjà curieux, j'écoutais ses conseils et je digérais lentement, très lentement, les disques d'albums qu'il me passait en mp3 à chaque visite pour me faire les oreilles sur des dizaines d'artistes que je continue de redécouvrir aujourd'hui en achetant enfin tout ces albums par moi-même. A l'époque les artistes qu'il écoutait le plus était Company Flow et Aesop Rock, un groupe d'artiste dont l'influence continue d'arriver toujours au top de mes statistiques sur last.fm. Pas besoin d'attendre plus longtemps et ne pas le cacher : je suis un putain de geek de musique. A deux doigt du nerd dont l'obsession l'empêche de parler à des filles en dehors d'un forum.

Ma culture rap n'est donc qu'une culture emprunté par petit bout à un érudit et je ne prétendre au titre de référence en la matière. Pourtant, en effectuant une petite recherche sur le mouvement back-pack j'ai été surpris de découvrir que le terme est très peu développé sur Wikipedia :

Backpacker is a term usually used for people who listen to underground hip-hop/rap.

Necro ferait donc du back pack? Si on en crois un fan à l'allure plus érudite, il semblerait bien que oui ... Je souhaite donc tenter de donner ma définition du genre. Une définition qui n'a rien de posthume car pour moi le terme a encore un intérêt au delà de son intérêt socio-culturel du terme comparable au shoe-gaze (en référence aux guitaristes du genre dont le regard était toujours dirigé vers leurs chaussures pour vérifier leurs pédales d'effets au lieu de regarder le public). Le dernier disque de Felt en un parfait exemple. Des paroles romantiques ou humoristique, un esprit rap intellectuel et un livret sans aucune photo promo en dehors d'une sorte de portrait peint des deux MC et du producteur. Les trois coupables, Aesop Rock, Slug d'Atmosphere et Murs des Living Legends, sont pour moi des personnages centraux dans l'histoire du back pack bien qu'ils ne soient pas à l'origine du genre.



Les véritables géniteurs de cette tendance intellectuel du rap underground dénommé back pack à cause des livres, des carnets de notes et de la peinture que trimballait toujours avec eux ces passionnés. Le terme back pack m'avait aussi été décrit par mon maître à pensée comme une référence au milieu étudiant d'où venait ces rappeurs obsédé par une vision poétique du rap. Le label Anticon en est une parfaite incarnation. Mais, avant cela, il faut en revenir au Freestyle Fellowship et au Project Blowed. Avec un premier album en 1991 et comme contemporain Souls of Mischief et les Hieroglyphics, le style du FF se veut déjà très différent et va continuer a s'affiner, plus particulièrement sur les albums solos d'Aceyalone. Même si All balls don't bounce est encore un disque très 90's dans le style, l'esprit est déjà beaucoup plus affiné et le rappeur le prouve avec son deuxième disque, A book of human language dont les premières paroles sont

Asalaam alaikum, people of good will
I offer you the greeting of thought manifested skill
to finally reveal the open-end chapter
As real as the flesh that you're embodied in
to the skull cavity your mind is rotting in, I'll be riding in

La spiritualité d'Aceyalone s'exprime avec le talent d'un MC accomplis et dont la complexité des paroles va servir de modèle a bon nombre de rappeurs de la scène back pack. La chronologie des évènements est ensuite plus difficile pour moi à repérer mais il est aussi bien évident qu'Operation doomsday d'MF DOOM marquera les esprits et rappellera aux fans de KMD qui avaient récupéré sous le manteau le mythique deuxième album, Bl_ck b_st_rd, le talent de Daniel Dumile et que le rap peut parler de n'importe quoi et que l'on peut faire de l'ego trip derrière l'identité d'un personnage inspiré d'un comic book. Le rap se permet d'être nerd, le rap se permet d'être geek. Cette présentation ne serait pas complète sans citer aussi deux autres grands noms dont l'influence est indéniable sur ce "genre" et on contribué à l'émancipation de ces rappeurs à part, Del Tha Funkee Homosapien et son flow alambiqué ainsi que Kool Keith et son Dr octagonecologyst au concept aussi étrange que la galerie de masque derrière lequel Keith rappe tout au long de sa carrière.



Ces deux sphères d'influences sont essentiels pour définir le rap back pack. Company Flow se trouve au confluent des deux tendances avec un Funcrusher plus parlant de théories de conspiration sous un barrage de paroles complexes, non dénués d'ego trip, réaliste (Last good sleep marque déjà le tournant que prendront les paroles d'El-P sur son premier album solo, le révolutionnaire Fantastic damage) et nerdy (le groupe ne cache pas sa passion pour la science fiction de Philip K. Dick, 1984 et les aliens en couverture). Company Flow sera alors la figure de proue d'une scène rap indépendante et plutôt blanche après être parti de deux artistes noirs. Le back pack trouve sa première "contradiction" en se définissant comme un "rap de blanc" dont l'inspiration vient d'une culture noir.



Le back pack est donc pour moi une déviation de la culture hip hop vers un discours plus intellectuel. Une observation constante sur des problèmes personnels ou sur le monde en général (6b panorama d'Aesop Rock où le rappeur décrit ce qu'il voit depuis sa fenêtre ou l'album Personal journal de Sage Francis). La valeur des MC ne se prouve pas par le bling et par les femmes qui les entoure mais par leur capacité à créer des textes complexes où ils peuvent démontrer a quels point ils sont intelligent. La scène canadienne de Halifax en est une bonne illustration avec les rappeur Buck 65 et Sixtoo (réunit au sein des Sebutones) aux titres d'albums évocateurs (Language art pour Buck 65 et the Psyche continuum pour Sixtoo). Le rap back pack est clairement une musique d'étudiant en université et banlieusard. Jamais un rappeur back pack ne vous apprendra quelque chose sur la vie dans les rues, le gangstérisme ou ne vous tiendra de leçon de philosophie sur la place de la communauté noir (bien qu'il y ait des exceptions). C'est assez caricaturale de ma part de représenter les choses de cette façon mais le rap back pack ne lit pas Malcom X ou Iceberg Slim, il lit Deleuze ou Philip K Dick.



Enfin, le dernier aspect du back pack que je souhaite développer sont les instrus. Les compositions se veulent généralement complexes, bouscule les codes du genre et emprunte à différents milieux. Les samples de funk et de soul sont bien rangés dans un coin, par contre le jazz et la musique électronique fait parti intégrante du registre. Le premier Clouddead ainsi que Fantastic damage en sont des illustrations parfaites. Avant gardiste et industriel pour ce qui est du premier album solo d'El-P (dont la transition vers l'orfèvrerie "pop" s'accomplira sur sa production de l'excellent Cold vein de Cannibal Ox) et a mi chemin entre le trip hop et la musique concrète sur le premier album de CloudDead, collectif réunissant la crème du label AntiCon (le label de la scène rap intello a lunettes) : Dose One, Jel et Why? Enfin, sans toujours faire preuve d'une inventivité hors norme, projettant généralement ces disques loin du rayon rap des disquaires et dans les listes de fin d'année des Inrockuptibles, le back pack se joue surtout de l'héritage rap pour en faire une sorte d'hommage étrange et décalé comme le fameux Primitive plus de Edan où le rappeur se représente dans le livret a côté des visages de Chuck D de Public Enemy ou de Jimmy Hendrix.



Le back pack est donc en ce qui me concerne beaucoup plus restreinte que celle que définit Wikipedia. Majoritairement blanche, nerdy, intellectuel, gonflé de références aux passions des membres du club informatique ... Le back pack est le versant du rap que les fans de rock apprécient généralement plus car les textes échappent aux clichés du genre et les compositions ont des atmosphères plus posés, plus étirés et moins dansant. Le succès de cette scène n'a jamais atteint les hautes sphères de la culture pop et continue pourtant d'exister bien que la plupart de ses figures d'origines se soient ensuite orientés vers des musiques plus expérimental où ait délaissé le rap pour voguer vers des domaines plus personnels (Buck 65 et son album de blues, Why? et ses chansons pop, Sixtoo et sa carrière instrumental électro, Dose One et son groupe de rock métissé, Subtle ...). La relève est pourtant là en la personne de rappeur comme Thavius Beck et K-the-I??? ou Dälek qui effectue le lien entre l'intellectualisme et le métissage des instrus dans un contexte hip hop engagé dans la dénonciation des inégalités.



Pour finir, voici ma liste d'albums essentiels pour mieux cerner ma définition du back pack. Ce sont les albums qui m'ont le plus marqués et non des albums que influent ou historique.

Buck 65 - Square
Company Flow - Funcrusher plus
Aesop Rock - Labor days
El-P - Fantastic damage
Cannibal Ox - The Cold vein
Tha Blue Herb - Sell our souls
Sixtoo - The psyche continuum
Deltron 3030 - Deltron 3030
Dr Octagon - Dr Octagonecologyst
Edan - Primitive plus

3 comments:

Khyro said...

Intéressant, d'auatnt plus que ça se retrouve sur un blog traitant plus de rock/metal... Mais en fait, ce n'est pas surprenant, le «backpack rap» étant souvent la porte d'entrée des mélomanes dans le monde du rap.

Si je peux me permettre, il faut aussi souligner le travil d'un label comme Endemik qui continue à faire rayonner ce style de rap malgré tout.

www.endemikmusic.com

Hororo said...

Merci pour cette référence supplémentaire. Pour l'instant seul le nom de Bleubird m'es famillié dans ce que je peux voir chez eux.
Le reste du blog est effectivement très metal mais ce n'est pas le seul sujet qui me passionne comme tu peux en déduire par le nom de ce blog.

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